Cher ami,
Oui, il s'agit bel et bien d'une lettre pour toi. Une lettre où sont insérées toutes les pensées que je souhaitais te dire depuis bon nombre de temps. J'ai parfois songé que ma mort serait positive si elle pouvait t'apporter des écrits dans le genre, afin que tu lises enfin tout ce que j'aurais aimé t'avouer, que tu comprennes que lorsque je tentais de t'expliquer de quelle façon je me sentais lorsque tu me traitais avec indifférence, c'était vrai. Après tout, quoi de plus vrai que la lettre d'une adolescente laissée sur son bureau dédiée à une certaine personne pour qu'elle le lise à la suite de sa mort ? Moi, je trouve qu'il n'y a rien de plus réel. Et de toutes les lettres que je vais écrire ici, la tienne est certainement la plus importante à mes yeux, parce que le jour où tu comprendras enfin tout, notre amitié sera peut-être enfin réelle, elle aussi.
Par où commencer ? Tu es le meilleur ami que je n’ai jamais eu. Garçon, tout comme fille. Peut-être est-ce pour ça, au fond, que je me suis tant accrochée à toi. Tu es mon premier VRAI ami. Le seul qui comptait. Tu étais celui qui faisait voler en éclat toutes mes peurs, tous mes problèmes. Celui qui me faisait rire même si ça lui faisait mal. Avec toi, j’étais dans un véritable compte de fée... Et pourtant, je n’étais pas amoureuse, je t’en fais le serment. Je ne sais même pas si je le suis, à présent. Cela dépend des points de vue, sans doute. Mais sache que de toute façon, je n’ai toujours voulu uniquement que ton amitié. Ton cœur, lui, m'importait peu. Je voulais une amitié simple, pure, parfaite. Je voulais compter à tes yeux plus que toutes les autres, sans pour autant devenir ta petite amie. Je l’ai eue, cette amitié idyllique, je l’ai eue pendant peut-être un mois. Un mois a suffi pour que je m’accroche à toi plus qu’à n’importe qui d’autre. Sans ce mois où toi aussi tu as tenu à moi, tu ne m’aurais pas dans les pattes, à présent.
Le jour où tu t'es mis à manifester un certain dédain à mon égard, j’ai été profondément triste… J’imagine qu'on t'a prévenu, d'une façon ou d'une autre… Mais je ne crois pas qu’aucun d'eux n'aient pu comprendre. Je crois que personne n’arrive à comprendre que je puisse t’aimer si fort, sans pour autant être amoureuse. C’est sans doute pour cette raison que vous croyez que j’exagère autant. Mais… Chaque fois que tu m’adresses la parole, je te jure que je suis gonflée de bonheur… Et chaque fois qu’une de tes paroles me semble ironique ou avec une pointe de méchanceté, ou encore que tu poses sur moi un regard légèrement méprisant… J’ai envie de pleurer, de mourir. J’ai envie de disparaître pour toujours, de me cogner la tête contre le mur et le sol… Je me sens si faible en ta présence…
Ton bonnet ! Tu trouverais certainement cela pathétique, mais il est le seul moyen que j’ai de me rapprocher de toi. Parfois il m’arrive de le plaquer sur mes vêtements pendant plusieurs minutes uniquement pour qu’ils en conservent ton parfum : une odeur rassurante, qui m’enveloppe; une odeur juste assez étouffante, chaude… Presque comme si tu m’étreignais. Je sais, c’est complètement ridicule ! Je me sens comme la vulgaire héroïne d’une pièce de théâtre. Un cas désespéré. Et pourtant, je suis là, bien réelle.
Ridicule...
Au final, j’aimerais mieux brûler cette lettre plutôt que de te la donner. Je ne voudrais pas, une fois de plus, avoir l’air d’une imbécile devant toi, surtout s'il s'agissait d'écrits qui te seraient offerts après mon éventuelle mort.
Je t’adore, aujourd'hui et à jamais.